La chapelle au fil du temps : les cloches

Le temps de Treytorrens est marqué par la sonnerie de ses cloches depuis 1526.

Celle de gauche porte une inscription en latin mentem sanctam, spontaneam, honorem Deo et patriae liberationem, courante sur les cloches dès le XIIIe siècle, et qu’on peut traduire par « esprit saint, volontaire, honneur à Dieu et libération de la patrie »
Elle fait référence à Sainte Agathe qui était une jeune vierge vivant à Catane en Sicile vers 250. Sa vie a été mise par écrit, notamment dans la Légende dorée de Jacques de Voragine, au XIIIe siècle.
Poursuivie par les assiduités du proconsul romain qui voulait lui imposer le mariage et le sacrifice aux dieux romains, elle refusa de céder et resta fidèle à sa foi, malgré des tortures multiples et variées. Elle finit par mourir. Apparut alors un jeune homme vêtu de soie blanche et accompagné de cent hommes d’une grande beauté et couverts de riches vêtements ; et le jeune homme plaça à la tête du lit où son corps reposait une tablette de marbre. Après quoi, ils disparurent de la vue de tous. La tablette portait le texte de l’inscription latine. Juste un an après la mort d’Agathe et ce miracle, une deuxième eut lieu : l’Etna entra en éruption, mais elle fut stoppée par le voile qui recouvrait le tombeau de la sainte.
Or, si l’on revient au Moyen Age, la cloche n’avait pas seulement pour fonction de marquer le temps et d’appeler les fidèles aux offices religieux : elle servait aussi à avertir les habitants et à les rassembler lorsqu’un danger menaçait. On comprend alors pourquoi Sainte Agathe était particulièrement invoquée comme protectrice contre les incendies, et la foudre (point de risque d’éruption par ici) ! L’inscription est donc devenue courante sur les cloches, au point que Sainte Agathe a été choisie comme patronne des fondeurs. Mais la formule latine était aussi utilisée par oral pour conjurer orages, grêle et tempêtes. On frisait la superstition, si bien que sur la cloche d’Einsiedeln, rénovée en 1637, on a cru devoir préciser, tout en invoquant Sainte Agathe, que la protection contre l’orage est d’abord due aux vertus de la prière. Un auteur de la même époque précise, renvoyant dos à dos superstition et explication pseudo-scientifique : « Nous usons encore des cloches pour écarter les orages, les grêles, et autres malignités de l’air, ce qui réussit assez ordinairement, non pas à cause du bruit qu’elles font, comme plusieurs pensent, estimant que la force de ce son repousse les nuées et dissipe leur épaisseur, à quoi il y a fort peu d’apparence, mais, pour parler en vrais chrétiens, c’est la vertu divine de leur consécration et des prières que l’Eglise fait en les bénissant …»
C’est aussi à cette idée de protection contre le feu que l’on doit la représentation, sur beaucoup de cloches – dont les deux de Treytorrens – de Sainte Barbe, elle aussi une martyre du IIIe siècle, patronne et protectrice des pompiers, des artificiers, des mineurs, et de bien d’autres métiers en relation avec le feu et la construction. 

Quant à la cloche de droite, elle porte la date de 1520 et une inscription en l’honneur de Saint Agace (ou Acace, ou Achatius…).
C’était aussi un martyr, un centurion romain tué vers 140 avec ses 10 000 compagnons sur le mont Ararat, en Arménie.

La vénération des Dix mille martyrs s’est surtout développée au XVe siècle et au début du XVIe siècle (ce qui correspond à la date de nos cloches), et dans nos régions elle faisait écho à celle de Saint Maurice et de sa légion thébaine, ou de Sainte Ursule et de ses Onze mille vierges. 

Saint Agace était un saint à qui l’on demandait aide et protection contre la peste, ou pendant son agonie :

En cette vie tant instable,
Misérable,
Gardez-moi d’adversité
Et de la peste incurable,
Redoutable,
De ce avez l’autorité. (…)
Je vous prie en la parfin,
Que en ma fin,
Me veuillez donner secours…


Voilà qui rappelle une autre fonction encore des cloches à cette époque, celle de sonner le glas pour annoncer les morts dans le village.
Mais la référence aux Dix mille martyrs s’explique aussi par le fait qu’en 1513 une fondation en leur honneur a été faite par Antoine Bize, un des notables de la paroisse. 

Ici vous pouvez reconnaître au milieu de la ligne S A C T (un dessin) A C A pour sancto Aca(tio). Le signe au-dessus du C est la manière habituelle de représenter un N dans ce groupement de lettres.

Et aujourd’hui ? Les cloches sonnent toujours pour marquer les heures, appeler aux cultes et aux offices funèbres…
Après quelques ennuis avec des chaînes qui se grippaient, nous avons finalement trouvé l’an dernier une solution (qu’on espère durable) avec leur remplacement par des courroies et un nouveau système d’entraînement électronique.

Article de Madeleine Stanescu paru dans le journal l’Info de Treyto N°2 en janvier 2016
Les photos proviennent de la Protection des biens culturels de l’Etat de Vaud, Claude Bornand, octobre 2014

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