La Chapelle de Treytorrens

Histoire et Architecture

Au cœur du petit village de Treytorrens s’élève l’une des plus élégantes chapelles gothiques de la campagne vaudoise. Construite au XVe et au début du XVIe siècle, elle présente une variante élaborée d’un type assez fréquent dans la région, à clocher-arcades constitué par le prolongement de la façade principale (voir aussi Chavannes-le-Chêne, Curtilles, Villarzel). Les deux cloches qui y sont suspendues datent encore de 1526.

Dans son ensemble, la construction du milieu du XVe siècle montre un grand soin dans la taille de la pierre, du grès coquillier de La Molière pour les structures porteuses et de la molasse pour les éléments sculptés. Elle est certainement l’œuvre d’un maçon-architecte originaire de Franche-Comté, installé alors à Payerne, Jean de Lislaz. Cet artisan réputé, devenu maître des œuvres du duc de Savoie puis du comte de Romont, a laissé sa trace dans de nombreux édifices religieux de la région (Payerne, Moudon, Grange-Marnand, Estavayer…). Il y apposait une sorte de signature sous la forme d’un culot garni de feuilles dressées , souvent porté par une main sortant du mur.

Le portail d’entrée, aux sculptures très raffinées, a probablement été ajouté dans les années 1520.
Les chapelles-baldaquins qui s’élèvent des deux côtés de l’arc du chœur datent vraisemblablement du même moment. Ces baldaquins abritaient sans doute des autels secondaires et des sépultures. 

C’était aussi le cas dans l’angle nord-ouest de la nef, où l’on voit les restes d’une arcade et un enfeu (arc dans le mur surmontant un tombeau).
Comment expliquer cette réalisation exceptionnelle dans un si petit village à l’écart des grands axes de communication ?
La seigneurie de Treytorrens, qui remonte en tout cas au XIIe siècle, revêtait une certaine importance. A la fin du XIVe siècle, elle est subdivisée entre deux branches de la famille de Treytorrens. La seigneurie principale reste aux mains de cette famille, tandis que la coseigneurie passe en 1460 à Jacques Bize. Chaque branche possédait son château. Celui situé juste à côté de la chapelle a conservé une bonne partie de la construction effectuée par la famille Bize vers 1470. L’autre (rue du Couvent 1) a subi plus de remaniements mais il comporte encore plusieurs éléments médiévaux.
Une chapelle est mentionnée pour la première fois dans ce lieu en 1416, comme filiale des églises de Combremont et Murist. Des documents postérieurs indiquent qu’elle doit avoir été reconstruite au milieu du XVe siècle aux frais du seigneur et des habitants du village. Mais les coseigneurs doivent y avoir été impliqués également. Ils y avaient fondé un autel en l’honneur des Dix-Mille Martyrs en 1516 et y possédaient en tout cas un droit de sépulture.
Les deux coseigneurs ont-ils rivalisé dans l’embellissement du lieu de culte de leur village ? Tous deux ne manquaient pas d’ambition. Jacques Bize assumait la charge importante de commissaire général du Pays de Vaud savoyard. Jean de Treytorrens, qui détenait la seigneurie principale au milieu du XVe siècle, assumait la charge de châtelain d’Amédée VIII de Savoie pour Estavayer. Il a fait exécuter plusieurs travaux dans cette ville par Jean de Lislaz et y possédait une grande maison, embellie par son fils François au début du XVIe siècle (rue de l’Hôtel-de-Ville 10). 

La chapelle, classée monument historique en 1900, a fait l’objet d’une restauration soignée entre 1904 et 1907, sous la conduite des architectes Nicaty et Burnat : restitution de la chapelle-baldaquin sud-est et du couvrement en plein cintre de la nef, escalier de la galerie, vitraux de Clément Heaton, décor peint de Philippe Recordon

Texte de Monique Fontannaz, Photos de Richard Aigroz

Pour en savoir plus :

Monique Fontannaz et Brigitte Pradervand, Les monuments d'art et d'histoire du canton de Vaud, VIII, Le district de la Broye-Vully, I (Société d’histoire de l’art en Suisse), Berne 2015.

Daniel de Raemy, Les monuments d'art et d'histoire du canton de Fribourg, VI, Le district de la Broye, I. La ville d’Estavayer-le-Lac (Société d’histoire de l’art en Suisse), Berne 2020. 

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